La vie à Saint Amand Magnazeix pendant la guerre 1914-1918

1er août 1914 : Mobilisation des hommes de la commune

Ce samedi 1er août 1914 après-midi est un superbe jour d’été. La population de Saint Amand se trouve dans les champs occupée à la moisson qui s’annonce très belle.

Soudain vers 17 heures, le tocsin retentit. Tous restent figés, remplis de crainte et se rendent à la mairie pour avoir des informations.

A la mairie, un attroupement s’est formé autour du maire devant la porte sur laquelle est collée une affiche officielle, c’est l’ordre de mobilisation générale qui appelle tous les hommes de 20 à 47 ans à rejoindre l'armée, lire plus ..

 

L’ordre de mobilisation est tombée comme un coup de foudre sur l’assistance, c’est la stupeur et la crainte, on crie c’est la guerre ! Ici on ne lit pas régulièrement la presse, l’assassinat d’un archiduc autrichien à Sarajevo paraissait très lointain et même exotique, personne n’aurait imaginé que cela se terminerait par une guerre.

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En groupe animé, les hommes commentent l’évènement, ils sont graves et calmes, Ils doivent quitter leur foyer et leurs terres mais ils feront leur devoir pour défendre le pays. Silencieusement les femmes pleurent, les enfants apeurés s’agrippent à elles.

 

De retour à la maison, les hommes vérifient avec leur livret militaire leur affectation et la date prévue pour leur départ. Pendant leur absence, ce sont les femmes, les hommes âgés et les enfants qui vont devoir assumer la gestion et le travail de la terre.

 

C'est l'attente anxieuse des journées de mobilisation si pleines d'une émotion intense. Durant les quelques heures précédant leur départ, ils achèvent des travaux urgents, prodiguent des conseils et prescrivent les choses à faire pendant leur absence.

 

Dés le 2 août, après un dernier baiser à leur famille, les mobilisés rejoignent la caserne indiquée dans leur fascicule de mobilisation. Mais ils en sont sûrs, ils seront revenus bientôt et seront de retour pour les labours d'automne !

 

Malheureusement, ce ne sera pas le cas, certains seront tués avant la fin de ce beau mois d'août et ne retrouveront jamais leur foyer. Ils dormiront de leur dernier et éternel sommeil loin des leurs et de leur terre natale.

 

Pour plus d'information sur la liste des hommes mobilisables et mobilisés, cliquer ICI ...

 

Affiche ci-contre "2 août 1914" Jacques Onfray de Bréville, dit "JOB"

Crédit photo BnF, Dist. RMN-Grand Palais / image Bnf

 

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A leur arrivée à la caserne de mobilisation, ils reçoivent leur habillement et l'équipement militaire et attendent un départ éventuel. Ils sont, pour la plupart, affectés dans les régiments régionaux d'infanterie appartenant au 12ème corps d'armée en particulier les 138e, 338e RI, 90e RIT de Magnac Laval et les  63e, 78e RI, 89e RIT de Limoges et d'autres régiments régionaux, en savoir plus ...

Le 3 août 1914 : l'Allemagne déclare la guerre à la France

À l'aube du 4 août, les forces allemandes envahissent  la Belgique, pays neutre, au mépris des règles internationales. Ce même jour, suite à cette invasion, la Grande Bretagne déclare la guerre à l'Empire allemand.

Maintenant c'est sûr c'est la guerre !

Une guerre ou vont s'affronter deux blocs avec d'un côté la France, la Grande Bretagne et la Russie

et de l'autre l'Allemagne et l'Autriche.


5 et 6 août 1914 : les hommes partent au front ...

Sous les acclamations et couverts de fleurs, les soldats des 138eme RI et 338ème RI quittent Magnac Laval. Sous un soleil de plomb, ils rejoignent à pied la gare du Dorat où ils embarquent dans des trains militaires.

Simultanément, les régiments d'infanterie de Limoges embarquent eux aussi. La gare des Bénédictins est pleine d'une foule en délire. Au milieu des fleurs et des calicots tricolores, la fanfare municipale joue la Marseillaise reprise en chœur par l'assistance qui crie : A Berlin ! lorsque les trains démarrent.

Les régiments territoriaux ne partiront que le 10 août et resteront en région parisienne pendant plus d'un mois pour assurer la défense de la capitale.


Les femmes, les aînés, les enfants remplacent les hommes

Chacun a vu partir les siens avec courage gardant l'espoir d'un retour prochain et, bien que profondément affectés, tous ont su rester dignes. Après le départ des hommes mobilisés, la vie tente de s'organiser.

Le Maire et l'administration communale

Le maire, Eugène Fauvet, âgé de 63 ans, n'a pas été mobilisé, il est une figure tutélaire et un appui pour les habitants. Plusieurs conseillers municipaux sont mobilisés mais le conseil municipal fonctionne avec les conseillers restants, son action est entièrement dirigé vers l'aide et l'assistance aux habitants et à l'effort de guerre. Les chantiers prévus avant 1914 sont stoppés.

 

Le maire est chargé par la préfecture d'assurer la moisson et de signaler les éventuels problèmes de main d’œuvre, voici ci-après l'extrait d'une demande de préfet le 7 aout 1914  : "Vous prie convoquer d’urgence le conseil municipal et à prendre immédiatement de concert avec lui, les mesures pour assurer la rentrée et le battage des moissons et sauvegarder les récoltes futures : faire un inventaire de la main d’œuvre agricole existant dans la commune et susceptible d’être employée aux travaux agricoles (hommes non mobilisés, femmes et enfants), répartir cette main d’œuvre sur le territoire de la commune de manière à sauvegarder les récoltes de tous vos administrés ...".

 

Le maire reçoit régulièrement des instructions et des ordres du préfet. En particulier, il est garant de la bonne marche des réquisitions de denrées (blé, avoine, foin, haricots, pommes de terre, laine, animaux etc.). Il est responsable de l'ordre public dans la commune et doit faire respecter les mesures de protection du territoire. En relation avec les enseignants, il organise la publicité et la collecte des souscriptions pour les nombreux emprunts émis pour la défense nationale et collationne les quêtes, dons pour les œuvres caritatives de la défense Nationale.

 

Son rôle est aussi de porter assistance aux nécessiteux et d'aider les familles des mobilisés. Il a la triste mission d'aller annoncer aux familles le décès de leur soldat.

Le courrier, la Poste

Francois Ruffaud, le facteur communal, est mobilisé mais détaché à la Poste de Saint Amand en qualité de "facteur rural", il est toujours très attendu. Le courrier arrive très irrégulièrement, le retard ou l'absence de lettre est toujours angoissant pour les familles car cela laisse tout imaginer surtout le pire.

 

L'échange de courrier entre le front et l'arrière a joué un rôle prépondérant tout au long du conflit, il est une véritable "ligne de vie" et a contribué à soutenir le moral des troupes et de leurs familles. La correspondance est gratuite pour les soldats et les personnes leur faisant parvenir des courriers. Les familles peuvent envoyer gratuitement un colis par mois contenant des denrées pour améliorer la nourriture de l'armée, des vêtements pour lutter contre le froid.

 

Lorsque les circonstances des combats le permettent, les hommes désormais instruits par l’école de Jules Ferry, écrivent tous les jours, donnent des conseils et des directives pour la marche du foyer. Les familles en retour envoient régulièrement des nouvelles et des informations sur l'exploitation ainsi que les colis tant attendus

 

Photographie Vaguemestre relevant le courrier dans une tranchée (source wikimedia)


Cette "ligne de vie" s'est révélée si importante que, pour les soldats esseulés, a été créé l’œuvre des "marraines de guerre". Le principe est de mettre en relation épistolaire des femmes, les marraines, avec les hommes du front, leurs filleuls, afin de leur apporter soutien moral et parfois matériel (colis, etc).

Ces relations ont parfois perduré après la guerre. Ainsi, lors du recensement communal de 1921, un habitant de Saint Amand a déclaré sa marraine de guerre (une dame de  60 ans, originaire de l'Oise) comme faisant partie de son foyer à l'instar de sa femme et de son fils.

 

L'école, les enfants, les enseignants

Les instituteurs sont mobilisés, ils sont remplacés par les retraités, les institutrices, les stagiaires. Léon Arnoux, âgé de 43 ans en 1914, mobilisé, sera détaché et renvoyé dans l'école de Saint Amand le 22 octobre 1917. En août 1914, Il est demandé aux  enseignants non mobilisés de ne pas prendre de vacances et de rester au contact des enfants et de la population pour les soutenir.

 

La rentrée 1914 est fixée au 1er octobre. Albert Sarraut, Ministre de l'instruction, envoie aux recteurs une circulaire le 30 septembre 1914 stipulant : "Je désire que le jour de la rentrée, dans chaque classe, la première parole du maître aux élèves hausse le cœur vers la patrie, et que sa première leçon honore la lutte sacrée où nos armées sont engagées ...... Chacune de nos écoles a envoyé sur la ligne de feu des combattants et chacune porte déjà la douleur fière de ces deuils. La parole du maitre dans la classe évoquera d'abord le noble souvenir de ces morts pour exalter leur exemple, en graver la trace dans la mémoire des enfants. Puis à grand traits elle dira les causes de la guerre, l'agression sans excuse qui l'a déchaînée et, comment devant l'univers civilisé, la France éternel champion du progrès et du droit a dû se dresser encore avec ses alliés valeureux pour repousser l'assaut des barbares modernes..."

 

Les enseignants consacreront donc leurs leçons à la guerre qui sera le support de cours pour toutes les matières. Les instituteurs exaltent le patriotisme des soldats et flétrissent l'agression des ennemis. Les élèves suivent jour par jour les combats et les fluctuations de la ligne de front. A la récréation, les garçons jouent à la guerre, les filles à l'infirmière.

 

La fréquentation de l'école est irrégulière, les enfants âgés de plus de 10 ans, sont souvent employés aux travaux des champs, de la maison ou à la garde des bestiaux lorsque la ferme en a besoin. Pour certains, l'école commence en décembre et se termine en mars.

 

Les instituteurs informent la population sur les problématiques liées à la guerre. Les emprunts de la défense nationale font aussi partie des thèmes évoqués. L'école participe aux œuvres auxiliaires de la défense nationale par la collecte de toutes natures (espèces, linge, tricots, couture, denrées non périssables ...).

Sous l'égide des institutrices les filles sont encouragées à tricoter ou coudre chaussettes, passe-montagnes et autres pièces qui sont adressées au front. Les enfants sont aussi mis à contribution pour quêter et inciter la population à souscrire les emprunts de la défense nationale.

Ci-contre : exemple de devoirs donnés aux élèves pendant la guerre 1914 1918 (source musée de l'éducation)

(Ces documents ne se rapportent pas aux écoles de Saint Amand)



Les femmes et les familles

Dés le 6 août 1914, le président du Conseil René Viviani lance un appel aux femmes françaises. Il leur demande d'achever les récoltes de l'année et de préparer celles de l'année prochaine.

Les femmes ont maintenant la charge de gérer les exploitations. Cette tâche est dure, difficile et épuisante sans les animaux de trait qui ont été réquisitionnés. Aidées par les enfants et les vieillards, en suivant les conseils donnés par les hommes dans les courriers, elles relèvent le défi.

 

En 1917, pour faire face à la pénurie de denrée, les enfants sont appelés officiellement par le ministre de l'agriculture à apporter leur aide pour les travaux des champs comme le montre l'affiche ci-contre.

 

La loi du 5 août 1914 octroie aux familles des mobilisés soutiens de famille, pour toute la durée de la guerre, une allocation journalière de 1,25 francs avec majoration de 0,50 franc par enfant à charge de moins de 16 ans. Cette allocation constitue une aide précieuse pour les femmes d'autant plus que les prix, même alimentaires, ont  plus que doublé, par exemple le lait qui valait 0,10 franc le litre en 1914 se vend 0,25 franc le litre en 1917. Certaines denrées sont chères et rationnées, c'est le cas du sucre, du café. Des secours sont également apportés aux familles nécessiteuses par la commune. La loi sera modifiée (les montants augmentés et son champ d'application élargi) durant le cours de la guerre.

 

Une pension est attribuée aux veuves et aux orphelins de guerre dès le début du conflit mais il faudra attendre 1917 pour que soit votée la loi sur les pupilles de la Nation qui instaure "leur adoption" par l’État, et leur prise en charge jusqu’à leur majorité.

 

Pour les femmes les années de guerre sont des années d'angoisse, angoisse pour le foyer, les enfants, pour les récoltes, l'exploitation. Mais la principale peur qui les obsède jours et nuits c'est l’inquiétude pour leurs hommes au front. Les rumeurs, les nouvelles alarmistes, les témoignages des poilus en permission dénonçant la violence des combats et la vie dans les tranchées, alimentent l'anxiété.

 

Toutes les familles attendent la fin du conflit.


 

Le  11 novembre 1918 à Saint Amand Magnazeix

Ce lundi matin 11 novembre est un frais matin d'automne, les champs sont recouverts d'une fine couche de gel. La brume tarde à se dissiper. Les habitants sont chez eux, vaquant à leurs travaux habituels. Ils attendent  ... Des rumeurs concernant la fin prochaine de la guerre sont bien parvenues jusqu'au village sans confirmation pour l'instant ... alors les habitants espèrent attentifs aux bruits extérieurs ...

En fin de matinée, un télégramme officiel arrive :

"11.11.1918 - Officiel - 11h20 - Préfet à Maires et Receveurs des Postes
Prévenez tous les Maires que l'armistice a été signé. Prendre toutes dispositions pour qu'à 16h30 les cloches de toutes les villes et villages sonnent à toute volée. Pavoiser les édifices aux couleurs alliées, salve d'artillerie aussi intense que possible."

La dépêche est aussitôt affichée en mairie, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre. De tous les hameaux les gens convergent vers le Bourg, pleins d'enthousiasme. Accompagnée par la sonnerie des cloches et des chants patriotiques, cette nouvelle est accueillie avec une immense joie et un grand soulagement. Enfin, les parents, les épouses, les enfants ne trembleront plus pour les hommes qui vont revenir au village, car c'est sûr ils seront bientôt de retour dans leurs foyers.

Au milieu de cette allégresse, certaines familles n’ont pas le cœur à se réjouir car leurs pensées sont tournées vers leurs proches décédés pendant le conflit ou prisonniers détenus en Allemagne.