Vivre à Saint Amand Magnazeix  de 1919 à 1921

Nous sommes en 1919, la plupart des soldats survivants du grand carnage vont rentrer ou sont revenus au village. Chacun d'eux va retrouver avec joie sa famille, sa maison, son atelier, ses bêtes et ses champs.

Peu à peu, la vie reprendra son cours cependant rien ne sera plus comme avant ...

Après le 11 novembre 1918, les hommes ne sont pas rentrés tout de suite chez eux

Après la signature de l'armistice, les soldats n'ont qu'un souhait : rentrer dans leur foyer au plus vite, ce ne fut pas le cas. L'armistice marque la fin des combats mais pas celle de la guerre. Fin novembre 1918 l'armée française rentre en Alsace et Moselle. Le 1er décembre 1918, 21 divisions françaises pénètrent en Allemagne pour occuper la Rhénanie.

Les belligérants négocient simultanément le traité de paix qui sera signé avec l'Allemagne à Versailles le 28 juin 1919. C'est cette signature qui officialise la fin de la guerre.

Pendant ce laps de temps pour faire face à toute éventualité, l'armée française n'a pas démobilisé ses effectifs, elle va procéder à la démobilisation échelonnée par classe d 'âge jusqu'en 1921.

 

Les poilus les plus âgés (classes 1887 à 1891) arrivent dans leurs foyers fin novembre et courant décembre 1918.

Les classes 1892 à 1907 sont démobilisées dans le courant du premier semestre 1919 et les classes 1908 à 1917 au deuxième semestre 1919. Ils auront droit à une dizaine de jours de permission en décembre 1918 afin de revoir leur famille que certains n'ont pas revue depuis trois ou quatre ans. C'est au retour de cette permission que Firmin Delagnaud de La Bussière Rapy (qui a passé toute la guerre en première ligne sans être blessé) a trouvé la mort le 6 décembre 1918 dans la catastrophe ferroviaire entre deux trains de permissionnaires à Lothiers dans l'Indre, en savoir plus...

Pour les classes 1918 et 1919, le retour des hommes n'aura lieu qu'en 1920 et même 1921.

 

Si l'on excepte les blessés et malades qui ont été réformés ou rapatriés avant la fin du conflit, les soldats sont restés en moyenne 4 ans et demi aux armées. Cette moyenne cache une grande disparité. Les soldats des classes 1911, 1912, 1913 sont sous les drapeaux lors de la déclaration de guerre. Les hommes de la classe 1911 devaient être libérés en octobre 1914, ce sont eux qui resteront le plus longtemps aux armées : presque 7 ans ! De même, les combattants des classes 1912 et 1913 ne seront libérés qu’après 6 ans aux armées. Les plus jeunes (classes 1917 à 1919) seront les derniers démobilisés après 3 à 4 ans passés  aux armées.

Le retour à Saint Amand Magnazeix ...

Au mois de juillet 1919, les combats ont cessé depuis 9 mois mais les régiments limousins n’ont pas réintégré leur casernement. Ce n’est que le 17 août 1919 qu’a lieu la rentrée solennelle des troupes limousines.

Arrivées par la gare des Bénédictins, elles défilent en passant sous un arc de triomphe garni de fleurs et de verdure.  Des jeunes filles en costume régional leur jettent des fleurs. Accompagné par la musique militaire, les cloches sonnant à toute volée et les chants patriotiques d’une foule en liesse, le défilé triomphal passe au boulevard Louis Blanc, au champ de foire et rejoint l’hôtel de ville où l’attendent les autorités, les gueules cassées, les veuves et les orphelins.

Photo AD 87
Photo AD 87
Photo AM Limoges
Photo AM Limoges

Se souvenir, commémorer

Pendant ces longues années de guerre tout a changé. La production agricole est en baisse car la terre a manqué de bras (même si les femmes, les enfants et les anciens ont essayé de remédier à l'absence des hommes) et aussi du fait des réquisitions et de l'absence des animaux de trait. Certains travaux n'ont pu être effectués, les bois n'ont pas été exploités, les étangs et mares n'ont pas été nettoyés. La chasse étant pratiquement impossible, les nuisibles foisonnent et s'attaquent aux récoltes.

 

Les hommes doivent reprendre la charrue ou l'atelier, ce qui n'est pas facile. Beaucoup ont été blessés et en conservent des séquelles, ils sont handicapés à vie. Certains mourront dans les 5 à 10 ans suivant leur retour comme Louis Dubois des Fougères blessé très gravement à la tête par éclat d'obus qui décède en 1922, Joseph Filiol en 1923, Léonard Planchon en 1925 et tant d'autres ...

 

 Dans l'intimité du foyer, la réadaptation n'est pas simple. Ces hommes, même ceux qui n'ont pas été blessés, sont psychologiquement traumatisés, il leur faut du temps pour s'habituer à ce qui est pour eux "une nouvelle vie". Il en est de même pour les familles. Une villageoise nous a raconté que sa grand mère (qui avait 2 ans au départ du père) ne l'avait pas reconnu lors de son retour et effrayée, s'était cachée pour ne pas le voir !

 

De nombreux soldats morts au front ont été inhumés sur place, dans l'urgence. Pour répondre à la demande des familles, le gouvernement  organise la restitution des corps identifiés.

C'est ainsi que les 12 et 27 mai 1921, sont rapatriés les corps de Adrien Leblond, de Louis Fourlon et de François Chantioux, le 17 juin 1921 celui de Louis Sabotier.

Le 10 octobre, le 11 novembre et le 16 décembre 1921 les corps de Jean Jouhaud, de Victor Guimbard, d'Eugène Courtaud et Louis Delavaud arrivent en train funéraire à la gare des Bénédictins.

Le 17 janvier, le 22 mars et le 5 mai 1922, ce sont les corps d'Eugène Coulaud, de Louis Lardy, de Julien Dubreuil et Joseph Gueunier qui sont restitués à leurs familles. Ils sont tous inhumés dans leur terre natale, voir les articles de Presse  ICI.

 

Par la loi sur "la commémoration et la glorification des Morts pour la France" du 25 octobre 1919, l'Etat décide la construction de monuments commémoratifs en hommage aux morts de la grande guerre. Cette loi fixe les modalités d'attribution d'une subvention et précise les caractéristiques auxquels le projet doit se conformer.
Comme toutes les communes, Saint Amand Magnazeix, procède à l'érection de son monument aux morts. Le projet fait l´objet d´une délibération du conseil municipal soumise à l’approbation préfectorale et à l'accord de la commission d'examen.
Le monument est alors construit au centre du village, sur la place de l’église, à côté de la Mairie et de la Poste (démolies aujourd'hui, reconstruites dans le bourg à côté de l'école).

Les noms des combattants décédés sont inscrits par ordre alphabétique.

Les corps de certains soldats qui n'ont pu être rapatriés reposent sur les champs de bataille là où ils sont tombés ou dans les grands cimetières militaires du Nord et de l’Est du pays. Le monument aux morts leur redonne une existence et rappelle leur sacrifice. Le monument tient lieu de sépulture où les familles peuvent venir se recueillir, lire le nom de leur défunt.

Monument aux Morts Saint Amand Magnazeix le 11 novembre 2018 - saintamandmagnazeixautrefois.com
Monument aux Morts de Saint Amand Magnazeix le 11 novembre 2018

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Revivre à Saint Amand Magnazeix après la guerre

Dans le village, il y a du changement. La commune a perdu 15 % de sa population, beaucoup d'hommes sont morts au combat. Certaines familles ont payé un lourd tribu à la guerre, plusieurs hommes de la famille y étant décédés. C'est le cas des familles Léger, Lefort, Rocher, Bardy. Les veuves perçoivent une pension de guerre mais elle ne permet pas à la famille de vivre, elles sont dans l'obligation de travailler.

 

Les élections municipales de 1916, annulées à cause de la guerre, ont lieu les 30 novembre et 7 décembre 1919. C'est la liste de la SFIO (parti socialiste) qui remporte l'élection et le maire de Saint Amand Magnazeix est désormais Jean-Baptiste Nicoulaud de Montcocu, âgé de 37 ans, il restera en place pendant plus de vingt ans. La commune va désormais être gérée sur le long terme par des élus adhérents ou proches de la S.F.I.O.

 

Les élections cantonales sont organisées les 14 et 21 décembre 1919. Le parti socialiste désigne Mr Dumain de Saint Amand Magnazeix pour le représenter sur le canton de Chateauponsac mais c'est le conseiller sortant radical qui est élu.

 

En novembre 1919, ont lieu les élections législatives et ce sont 5 députés SFIO qui sont élus. Le député de la circonscription de Saint Amand Magnazeix est Sabinus Valière (député sortant) dont le maire, Jean Baptiste Nicoulaud, est proche.

Le Populaire le 4 décembre 1919
Le Populaire le 4 décembre 1919
Le Populaire 11 décembre 1919
Le Populaire 11 décembre 1919